Canfranc, théâtre pyrénéen des Mondiaux de trail

Les championnats du monde de trail et de course en montagne ont lieu cette semaine, du 25 au 28 septembre, en Espagne. À Canfranc plus précisément, un village de 600 âmes orné d'une gare monumentale, réhabilitée en hôtel de luxe. Dans cet Extra D+, on revient aussi sur les records qui ont marqué l'édition 2025 du Tor des Géants.

Extra D+
7 min ⋅ 23/09/2025

Salut, c’est Franck Berteau de Distances+,

Les meilleurs athlètes de trail running de la planète s’apprêtent à se livrer bataille dans les Pyrénées, ce week-end, pour décrocher le titre mondial sur les différents formats proposés, une course verticale de 6,4 km et 1000 m D+, une course en montée et descente de 14,3 km et 775 m D+, un trail court de 44,5 km et 3500 m D+ et un trail long de 85 km et 5500 m D+. Écrin de ces championnats du monde : Canfranc, en Espagne, un village longtemps connu pour sa gare au style arts déco, dont nous vous racontons des fragments d’histoire.

Place ensuite aux résultats de la semaine passée, avec notamment un nouveau record tricolore sur le Tor des Géants, en Italie, où la Française Iris Pessey a elle aussi brillé en skyrunning, lors du Grigne Skymarathon.

+ Terminus, Canfranc +

Du jeudi 25 au dimanche 28 septembre, environ 1600 athlètes de 73 nationalités différentes se retrouveront en Espagne, plus exactement dans les Pyrénées aragonaises, pour disputer les championnats du monde de trail et de course en montagne. Deux ans après Innsbruck (Autriche), qui avait notamment vu la France dominer le format long (85 km et 5500 m D+) avec des victoires par équipes et celles, individuelles, de Marion Delespierre et Benjamin Roubiol, c’est au tour de Canfranc, un village d’environ 600 habitants, de devenir l’épicentre de la planète trail le temps d’un long week-end. Située à une quinzaine de kilomètres de la frontière française, au pied du Pic d’Aspe (2645 m d’altitude), la localité est en réalité divisée en deux foyers de population : la commune historique et, quatre kilomètres plus au nord, Canfranc-Estación qui, comme son nom l’indique — en espagnol “estación” signifie “station” — fut construite dans le cadre de l’arrivée du chemin de fer, au début du XXe siècle.

C’est de là que s’élanceront trois des quatre principales épreuves de ces championnats du monde — le trail court (44,5 km et 3500 m D+), le trail long (81 km et 5400 m D+) et la course en montagne en montée et descente (14,3 km et 775 m D+) —, face au bâtiment monumental de Canfranc-Estación, un joyau au style arts déco de 241 mètres de long qui, s’il était encore en activité aujourd’hui, se classerait deuxième plus grande gare d’Europe en termes de superficie, juste derrière la gare du Nord, à Paris. Pour comprendre une telle démesure par rapport à la taille du village, il faut se replacer à l’époque où le projet a germé, en 1853, lorsque l’Espagne imaginait l’édifice comme une porte d’entrée de son royaume, zone de transit d’une ligne ferroviaire internationale entre Pau et Saragosse, traversant les Pyrénées. Après des décennies de travaux et de forage des montagnes alentour pour construire des tunnels, la gare de Canfranc-Estación a été inaugurée le 18 juillet 1928.

© Chloé Rebaudo / Distances+© Chloé Rebaudo / Distances+


Sa fréquentation ne sera jamais vraiment à la hauteur de la grandeur du lieu. Entre-temps, le réseau automobile s’est développé puis, en 1936, la guerre civile espagnole porte un premier coup d’arrêt au trafic, provisoirement revitalisé durant la Seconde Guerre mondiale grâce aux flux de réfugiés, de Juifs et de résistants venus de France et désireux de rejoindre l’Espagne pour fuir l’occupation nazie. En 1970, un train transportant du maïs déraille, entraînant la destruction d’un pont. La ligne ne s’en relèvera pas et, avec elle, la gare de Canfranc-Estación, peu à peu laissée à l’abandon. Un gigantesque navire échoué dans le creux des montagnes et bientôt surnommé “le Titanic des Pyrénées”. Ce week-end, c’est devant ce même bâtiment réhabilité depuis 2023 en hôtel de luxe que passeront les meilleurs coureuses et coureurs de trail de la planète, dès le premier kilomètre. Une dernière dose d’urbanisme avant de s’élever vers les cimes pour se disputer le titre mondial.

+ Pluie de records sur le Tor +

Le Val d’Aoste (Italie) a hébergé la semaine passée l’une des courses d’ultra-trail les plus redoutables au monde : le Tor des Géants et ses 335 km et 24 000 m D+. Dans la nuit de mardi à mercredi dernier, à 4 h 08 du matin, le Français Victor Richard ne s’est pas contenté de franchir en premier la ligne d’arrivée à Courmayeur, après 66 h 08 min d’effort, il a également signé avec ce chrono un nouveau record de l’épreuve, améliorant de 31 min la marque de 66 h 39 min posée en 2023 par l’Italien Franco Collé. Présent au départ, le grand favori et quadruple vainqueur du Tor des Géants (2014, 2018, 2021, 2023) — en neuf participations — a été contraint à l’abandon au 178e km en raison d’un problème à l’oeil. Et c’est finalement Martin Perrier (France) et Simone Corsini (Italie) qui ont complété le podium, terminant ensemble à 3 h 40 min de Victor Richard.

Record, également, sur le Tor des Glaciers, un format encore plus titanesque de 439 km et 35 000 m D+. 11e au classement général, la Suissesse Florence Golay-Geymond a remporté la course féminine en 144 h 27 min, pulvérisant ainsi le chrono — 155 h 06 — de la Canadienne Stéphanie Case, établi en 2021. Derrière elle, la Française Sandrine Béranger a elle aussi amélioré cette marque en bouclant la trace après 146 h 17 min d’itinérance dans les montagnes italiennes. Au micro de Distances+, la spécialiste de Raid Aventure a confié avoir “adoré” cette première expérience sur la distance, tout en avouant sa frustration de ne pas avoir pu davantage livrer bataille à sa principale concurrente pour cause “d’erreurs stratégiques”, et notamment une sieste trop longue au refuge de Crête Sèche, au 370e km, alors qu’elle regagnait du terrain.

Champion du monde de Raid Aventure aux côtés de Sandrine Béranger, le Français Sébastien Raichon n’est lui pas parvenu à abaisser son propre record du Tor des Glaciers114 h 29 min — réalisé en 2023, mais s’est toutefois imposé en 124 h 53 min avec environ 6 h 30 min d’avance sur l’Irlandais Brian Mullins et 11 h sur le Polonais Jarek Gonczarenko. Affichée avant le départ, son ambition a notamment été bousculée par des chutes de neige en altitude ainsi que des difficultés à respirer et à s’alimenter tout au long de la course. Après celles de 2022 et de 2023, Sébastien Raichon signe sa troisième victoire sur le Tor des Glaciers, devenant ainsi l’athlète le plus titré sur cette épreuve lancée dans le cadre du Tor des Géants à partir de 2019.

+ Iris Pessey aux portes du podium, en skyrunning +

Quatrième au classement général et première Française ! À l’issue de la 18e étape — sur 24 — du circuit Skyrunner World Series, c’est la place qu’occupe Iris Pessey dans le cadre de cette compétition annuelle organisée depuis 2002, juste devant sa compatriote Lucille Germain — en lice sur le trail court, ce week-end, à Canfranc. Le samedi 20 septembre, la Haute-Savoyarde est allée remporter le Grigne Skymarathon (42 km et 3600 m D+) en 6 h 33 min devant la Britannique Natalie Beadle et l’Italienne Aurora Bosia. Au départ du village de Pasturo, en Lombardie (Italie), l’événement propose une trace exigeante culminant à 2369 m d’altitude, non loin du sommet du Grigna, le point le plus haut de la chaîne des Grigne. Il s’agit de l’une des épreuves de skyrunning les plus iconiques, héritière du Trofeo Scaccabarozzi.

Originaire du Grand-Bornand, dans les Aravis, Iris Pessey signe donc sa deuxième victoire de la saison sur le circuit, après avoir gagné la Kailas Penang Skyrace en avril, en Malaisie. Entre-temps, l’athlète du team Scott s’est classée troisième de la MCC (40 km et 2350 m D+), fin août, à Chamonix, une course sur laquelle elle avait triomphé l’an passé. Lorsqu’elle n’écume pas les sentiers en basket, la montagnarde de 33 ans s’adonne au ski de fond, l’une de ses disciplines d’origine, qui l’a déjà vue s’imposer à deux reprises, en 2019 et en 2023, sur l’Arctic Circle Race, une épreuve de 160 km disputée depuis 1997 au Groenland, aux environs de Sisimut, au-delà du cercle polaire arctique, et donc dans des conditions météorologiques difficiles, avec des températures avoisinant les - 30 degrés. Elle est aussi l’entraîneure de l’équipe nationale britannique de biathlon.

À l’été 2024, Iris Pessey s’était attaquée à la Pointe Percée (2750 m d’altitude), son sommet préféré des Aravis au pied duquel elle a grandi, dans la vallée du Bouchet. Partie des portes de l’église du Grand-Bornand, le jour de la fête locale de la montagne (14 juillet), la jeune femme avait bouclé l’aller-retour jusqu’à la cime (29 km et 1900 m D+) en 3 h 36 min. Sur ses réseaux sociaux, la sky runneuse avait déclaré suite à ce record : “Certainement l’une des lignes d’arrivée la plus remplie d’émotions que j’ai connue.”

À voir à ce sujet, le film La Pointe Pessey (Youtube, 18 min), produit par Alex Chambet.

Dessine-moi du D+

La chronique “Dessine-moi du D+”, c’est un dessin de presse mensuel sur l’actualité du trail running, dans l’oeil de l’illustrateur Florent Beaufils, alias FloWhyNot. En cette rentrée 2025, quelques semaines après la 22e édition de l’UTMB, il ironise sur la place croissante prise par les datas dans la performance des athlètes. Cette année, l’ultra-trail de 174 km et 9900 m D+ a ainsi été remporté par le Britannique Tom Evans et la Néo-Zélandaise Ruth Croft, tous deux épaulés par le data scientist Joseph Mestrallet, qui a conçu leur plan de course en se basant sur une multitude de données. Il était d’ailleurs récemment l’invité du grand débrief de la Bande à D+.

Le Récap D+

+ Les Français ont brillé ce week-end en Suisse, dans le Valais, sur le Wildstrubel by UTMB. Sur le 53 km et 3300 m D+, c’est Émilie Bulle qui a dominé la course en 6 h 02 min, avec 8 minutes d’avance sur la Tchèque Romana Rudolf Lojkova et la Suissesse Simone Troxler. Derrière le vainqueur local masculin de ce format, Maxime Pellouchoud, on compte pas moins de cinq tricolores parmi les dix premiers. Anthony Felber a franchi la ligne d’arrivée en deuxième position avec un chrono 5 h 07 min, devant Dylan Ribeiro. Julien Michelon, Lucien Mermillon et Sébastien Rey ont respectivement pris les quatrième, cinquième et sixième places.

Robinson Balestriero, un autre Français, a triomphé à l’issue de l’épreuve phare de l’événement, le 113 km et 6600 m D+. Aubin Ferrari était lui aussi présent dans la station de Crans-Montana, où se déroulait la course, dans l’optique d’effacer ses deux abandons consécutifs lors du Lavaredo by UTMB, en juin, puis de l’UTMB, fin août, à Chamonix. Dans le flou concernant son état de forme, l’athlète du team Altra a décroché la troisième place après s’être fait reprendre dans les derniers kilomètres par le Suisse Valentin Marchon, deuxième.

À noter également, sur le 70 km et 4600 m D+, la troisième position de la Française Maryline Nakache, derrière l’Allemande Julia Bleasdale et l’Américaine Erin Clark, ou encore la deuxième place d’Arnaud Bonin sur le 25 km, quatrième de la CCC fin août, à Chamonix.

+ Nous vous en parlions dans notre dernier numéro d’Extra D+, le Grand Raid du Finistère avait lieu ce week-end sur la presqu’île de Crozon, en Bretagne, et c’est bien l’un des favoris, Tanguy Warin, qui s’est imposé sur l’épreuve de 166 km et 3700 m D+. En franchissant la ligne en 16 h 41 min, le récent vainqueur des 224 km de la Volvic Volcanic Experience, en mai dernier, a même battu le record de la course détenu jusque là par Aurélien Lecuisinier, en 18 h 50 min.

Troisième des 75 km du Trail du Ventoux en mars 2025, Marie Chasseray a quant à elle remporté la course féminine en 22 h 03 min.

+ Mathieu Blanchard a gagné samedi 20 septembre la Barkley Fall Classic (50 km et 3500 m D+). La course se déroule chaque année dans le parc de Frozen Head, au cœur du Tennessee (États-Unis), sur les mêmes sentiers que sa grande sœur, la Barkley Marathons, à laquelle la victoire sur ce format court donne traditionnellement accès. Reste à savoir si le récent vainqueur — ex æquo avec Xavier St Cyr — du 125 km de l’Ultra-Trail Harricana du Canada (UTHC) mettra au programme de sa saison 2026 cette épreuve aux airs de défis, un mélange d’ultra-trail et de course d’orientation dont très peu de coureuses et de coureurs viennent à bout — seulement 16 finisseurs en 38 édition, parmi lesquels un seul Français, Aurélien Sanchez (2023).

+ Aux Etats-Unis, et plus précisément dans le Colorado, David Hedges a repris son record sur le Nolan’s 14, deux mois après le temps de référence posé par François D’haene. En améliorant celui-ci de 10 minutes, l’Américain a parcouru les 14 sommets de plus de 4200 mètres d’altitude — les fourtneeners — en 35 h 23 min, avalant environ 160 km et 13 400 m D+. Avant le FKT de François D’haene, David Hedges avait été le premier à passer sous la barre des 40 h avec un temps de 39 h effectué sur cet itinéraire.

+ Du nouveau dans l’affaire de dopage concernant Joyline Chepngeno. Suite au communiqué de presse de l’organisation Sierre-Zinal du 9 septembre 2025, suspendant de toute implication dans l’événement l’entraîneur de l’athlète et des Milimani Runners, Julien Lyon, ce dernier avait saisi via son avocat le tribunal de Sierre, se plaignant de diffamation. La semaine dernière, le tribunal de Sierre à donné suite à la requête de Julien Lyon en ordonnant à l’organisation de la course de retirer de son communiqué, dans l’attente d’un procès qui se tiendra le 10 décembre, les mentions des sanctions à son encontre, reconnaissant ainsi un “risque de préjudice”. L’organisation Sierre-Zinal s’est quant à elle exécutée.

Les recos de la semaine

Ne manquez pas la couverture journalistique des championnats du monde de trail et de course en montagne. Les reporters de Distances+ seront à Canfranc dans les Pyrénées espagnoles, pour vous faire suivre l’événement sur nos réseaux sociaux.

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