Le FKT, le Graal du record homologué

Cette semaine on vous parle "Fastest Known Time", ce label sous contrôle, convoité par des athlètes avides de défis sans dossard sur des itinéraires longues distances. On se réjouit aussi du retour gagnant de Caroline Chaverot, vainqueure de l'UTMB 2016, et de l'engouement pour les courses à étapes, à l'image du rafraîchissant Défi de la Muzelle.

Extra D+
6 min ⋅ 29/07/2025

🏃‍♂️ Extra D+ #2 🏃‍♀️

Bienvenue dans cette nouvelle édition d’Extra D+ avec, au programme, des résultats de trail, des records sous haute surveillance, le retour d’une légende et une virée aux Deux Alpes, où s’organise l’une des courses à étapes les plus sympathiques de l’Hexagone.

+ FKT ou pas FKT ? +

Avec la multiplication des défis hors course et de l’exploration d’anciens ou de nouveaux itinéraires en course à pied et en trail, des records sont régulièrement réalisés un peu partout dans le monde, à travers différents territoires. Pour les qualifier, on a souvent tendance à parler de “FKT”, pour “Fastest Known Time”, autrement dit le meilleur temps connu sur un parcours identifié, validé et répertorié sur le site américain du même nom - fastestknowntime.com -, à l’origine de cette appellation. Parfois, on s’emballe. Et on oublie que pour être bel et bien considérée comme un “FKT”, une marque chronométrique doit répondre à des critères précis et stricts, parmi lesquels, pour ce qui est des principaux :

  • Qu’il s’agisse d’un itinéraire clairement défini, reproductible et accessible au public.

  • Le respect du style choisi. Il en existe trois versions reconnues : self-supported (sans assistance extérieure. Ravitaillements publics autorisés, mais pas d’aide d’amis ou de suiveurs) ; unsupported (totalement autonome. Tout le matériel et la nourriture doivent être portés dès le départ) ; supported (avec assistance. Ravitaillements, pacers, porteurs autorisés).

  • Fournir obligatoirement des preuves GPS.

  • Documenter au maximum sa tentative.

  • Soumettre son record au site fastestknowntime.com afin qu’il soit vérifié et éventuellement validé.

Plusieurs cas de figure ont eu lieu ces derniers jours. Le vendredi 25 juillet, le jour de ses 25 ans, Simon Paccard a couru 50 km et 6100 m D+ dans le massif des Aravis, du Nord vers le Sud, plus précisément de la station de Romme jusqu’au pied du Mont Charvin. Un parcours effectué en 8 h 59. Si la notion de traversée peut éventuellement être questionnée d’un point de vue géographique, puisqu’il existe de nombreux itinéraires sillonnant ces montagnes, il ne fait aucun doute que cette performance puisse être qualifiée de “Fastest Known Time”. L’athlète du team Salomon international a en effet reproduit, à l’identique, la trace réalisée en 2020 par Anne-Lise Rousset Séguret, détentrice reconnue du FKT sur cet itinéraire. Aucune marque n’ayant jusqu’alors été posée sur celui-ci par un coureur masculin, dans la catégorie “supported” — Simon Paccard était accompagné d’amis et de pacers — le résident du Grand-Bornand en est donc le nouveau recordman. Encore faut-il que sa tentative documentée et agrémentée d’un fichier GPS, soumise au site américain le lundi 28 juillet, soit validée après vérification en tant que FKT.

© Justin Galant

Autre exploit significatif, celui d’Antoine Clément, qui a traversé sans assistance l’intégralité de la chaîne des Pyrénées par le GR10 en 11 jours, 13 heures et 10 minutes. Un périple d’environ 900 km et 52 000 m D+ entre Banyuls-sur-Mer et Hendaye. Si ce résultat représente bien le meilleur temps connu sur ce parcours de grande randonnée très identifié, l’athlète a fait savoir sur ses réseaux sociaux qu’il pourrait ne pas être homologué en tant que FKT car il lui manque un fichier GPS concernant une cinquantaine de kilomètres, section qu’il tente d’accréditer à l’aide de photos horodatées illustrant son passage. Détenu jusque-là par Aurélien Sanchez, finisseur de l’édition 2023 de la Barkley Marathons, le record “self-supported” de la traversée des Pyrénées n’avait déjà pas été officiellement approuvé en tant que FKT, l’athlète toulousain ayant été rejoint sur certaines portions de l’itinéraire par des amis ainsi que des membres de sa famille. Bien que ces personnes ne lui aient porté aucune assistance, comme il s’en était expliqué dans un compte-rendu de son aventure, le site américain avait pris la décision de ne pas lui accorder son label.

+ Retour gagnant pour Caroline Chaverot +

Le 12 juillet dernier, en la voyant lever les bras, tout sourire, sur la ligne d’arrivée du Trail Verbier St-Bernard, en Suisse, à Distances+ on a repensé à des images bien plus anciennes, immortalisées le 27 août 2016, à Chamonix. Ce jour-là, après 25 h 15 d’effort, Caroline Chaverot avait remporté l’UTMB au terme d’une saison incroyable, au cours de laquelle l’athlète franco-suisse avait tout raflé ou presque : la Transgrancanaria, l’Ergysport Trail du Ventoux, le Madeire Island Ultra-Trail (MIUT) ou encore le 90 km du Marathon du Mont-Blanc. Après son sacre sur la place du Triangle de l’Amitié, la coureuse du team Hoka était même allée décrocher en octobre un titre de championne du monde de trail au Portugal. La gloire. Le plus beau palmarès du trail français féminin. Et puis bientôt, plus rien.

© Pascal Tournaire / UTMB

L’année suivante, après de nouvelles victoires remarquées sur le Lavaredo Ultra Trail, la Hardrock 100 et la SaintéLyon, l’ancienne canoéiste de haut niveau n’a fait qu’enchaîner les contre-performances et les abandons, notamment sur l’UTMB à trois reprises (2017, 2018, 2023). Une descente aux enfers s’expliquant par une accumulation de soucis de santé tels qu’une anémie sévère puis une maladie de Lyme, diagnostiquée en 2018. Désabusée, victime d’une fatigue accablante, la championne avait même perdu l’envie de courir et donc décidé d’annoncer la fin de sa carrière de trail, en 2019. Si, ces dernières années, Caroline Chaverot a refait quelques apparitions avec un dossard autour de la taille, au gré de sa forme, c’est dans un tout autre domaine que la course à pied qu’on a entendu parler d’elle. Enseignante d’histoire et de géographie au collège, elle a publié en 2023 son premier roman, Racine Cachée (éditions Des auteurs des livres), une fiction historique inspirée de l’histoire des bébés volés du franquisme.

Finalement, à se remémorer cette traversée du désert, ce triomphe sur le 76 km et 5300 m D+ du Trail Verbier St-Bernard a presque davantage des airs de revanche que de retour gagnant. Sur Instagram, Caroline Chaverot a témoigné de ses dernières semaines d’entraînement, de cette sensation d’avoir tout à réapprendre, des difficultés à encaisser les sorties longues et les descentes techniques, des ampoules à son pied droit à l’issue de la compétition. Sa performance en 11 h 08 est d’autant plus remarquable qu’elle est parvenue à reléguer à 12 minutes sa principale poursuivante, la Suédoise Anna Carlsson, vainqueure cette année du 80 km de l’EcoTrail de Paris ainsi que du plus long format du Trail Alsace Grand Est by UTMB. Et si, à 45 ans, Caroline Chaverot avait encore de beaux jours devant elle sur les sentiers ?

À réécouter, notre épisode de La Bande à D+ avec Caroline Chaverot en invitée !

+ Par étapes, du Québec à la Muzelle +

À l’instar du Marathon des Sables, la plus célèbre d’entre elles, les courses à étapes ne cessent de séduire de plus en plus de traileurs, auxquels l’offre s’adapte en douceur. La semaine passée, les organisateurs du Québec Méga Trail (QMT) ont officialisé le lancement de deux nouvelles épreuves de ce style dès leur prochaine édition, qui se déroulera du 2 au 5 juillet 2026. Les habitués de cet événement ancré dans les environs du Mont Sainte-Anne et de la région de Charlevoix, au bord du fleuve Saint-Laurent, pourront opter pour une aventure morcelée sur trois jours, soit le Trans-QMT72 (un 15 km en nocturne suivi d’un 32 et d’un 25 km), soit le Trans-QMT90 (un 15 km en nocturne suivi d’un 50 et d’un 25 km). De quoi satisfaire les déçus de la TransCharlevoix, une autre course à étapes linéaire lancée en 2022 par les Événements Harricana, mais mis en suspens depuis.

De l’autre côté de l’Atlantique avait lieu ce week-end Le Défi de la Muzelle, du nom de l’un des sommets qui s’élève face à la station des Deux Alpes. Digne héritière de l’UT4M Challenge, qui propose depuis 2018 de découvrir sur quatre jours les principaux massifs autour de Grenoble, la course s’inscrit dans une volonté de mettre en lumière non seulement les sentiers qui encadrent et surplombent la commune, mais également une partie du Parc national des Écrins frontalier. Au programme, un grand et un petit défi couvrant respectivement 100 km et 7100 m D+ et 50 km et 3100 m D+ là encore sur quatre jours, des segments pour les meilleurs sprinteurs, grimpeurs et descendeurs, des pizzas à l’arrivée et une somptueuse étape de clôture culminant au col du Vallon, autour des lacs de la Muzelle et du Lauvitel.

Cette année, le champion de France de trail long 2015, Patrick Bringer, a terminé 3e de ce Grand Défi de la Muzelle, derrière Maxime Brochet et Sébastien Leday. Chez les femmes, c’est la Belge Hélène Dassy qui l’a emporté, 12e il y a un mois du 90 km du Marathon du Mont-Blanc et vainqueure l’an passé de l’Ultra Tour du Beaufortain. Sur le Petit Défi, le tenant du titre Henri Bergasse a conservé sa couronne. À l’origine de cet événement, l’association Les 2 Alpes Trail s’apprête également à lancer Le Tour des 6 Vallées de l’Oisans, une aventure en six étapes dont la première édition se déroulera cet été du 17 au 25 août.


Le Récap D+

+ À Premana, en Lombardie, non loin du lac de Côme, l’Italien Davide Magnini a remporté la Giir di Mont devant le Norvégien Stian Angermund et un autre Italien, Mattia Tanara. Il a fallu 3 h 14 à l’athlète de 27 ans pour parcourir les 32 km et 2700m D+ de cette compétition de skyrunning, un mois après s’être imposé sur le marathon du mont blanc. Une victoire qui confirme que Magnini est bien de retour à son plus haut niveau après sa blessure à la hanche, qui l’avait longuement tenu éloigné des sentiers. 

Chez les femmes, c’est la Kényane Valentine Rutto qui a tiré son épingle du jeu, franchissant la ligne en tête devant deux Italiennes, Roberta Jacquin et Martina Cumerlato. L’événement proposait également une course verticale, de 7,5 km et 800m D+, sur laquelle l’Écossaise Scout Adkin et le Kényan Richard Omaya sont allés s’imposer.

+ Aux États-Unis, dans l’Utah plus précisément, avaient lieu ce week-end les Speedgoat Mountain Races by UTMB. Les Américains Christian Allen, Ryan Becker et Jennifer Lichter ont brillé sur les différents parcours, comme à Broken Arrow il y a quelques semaines. Des noms que l’on retrouvera fin septembre, en Espagne, pour les Mondiaux de trail à Canfranc.

+ Blandine L’hirondel a décroché la victoire sur la Gabizos Sky Race, une course de 30 km et 2700m D+ dans les Pyrénées. La récente vainqueure du 90 km du Marathon du Mont-Blanc a devancé sa première poursuivante, Julia Niegrzybowski, de 31 minutes. Sur ce format qu’elle avait déjà remporté en 2019, Blandine L’hirondel a signé une 11e place au classement général. La course a été dominée par Benoît Galand en 3 h 42. Sur le 20 km, Cyril Pasturel et Maëva Danois, 13e au scratch, ont tous deux terminé premiers.

Les recos de la semaine

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À +, dans Extra D+ !

Franck

Extra D+

Par Distances+

Distances + est un média journalistique, spécialisé dans le trail running.

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